Publié le 16 mai 2023
Appréciation des demandes d’accès : guide destiné aux autorités
La loi sur la transparence (LTrans) donne un droit d’accès général aux documents officiels au niveau fédéral. Elle prévoit cependant aussi des mesures permettant de protéger les intérêts justifiés au maintien de la confidentialité. En cas de demande d’accès à un document, les autorités compétentes pour la traiter doivent examiner une série de questions .Des indications complémentaires relatives aux questions d’ordre procédural ou matériel que soulèvent les procédures d’accès ou de médiation fondées sur la LTrans se trouvent dans les FAQ (en allemand).
1. Aspects formels
Le traitement de la demande relève de l’autorité qui a produit le document ou qui l’a reçu à titre de destinataire principal de la part de tiers qui ne sont pas soumis à la LTrans (art. 10, al. 1, LTrans). Lorsque la demande a été adressée par erreur à une autorité qui n’a pas produit le document et qui ne l’a pas reçu à titre de destinataire principal, il lui incombe de la transmettre spontanément et sans délai à l’autorité compétente (cf. message relatif à la loi fédérale sur la transparence de l’administration )
L’art. 11 de l’ordonnance sur la transparence (OTrans) régit les cas où plusieurs autorités sont compétentes pour le traitement de la demande.
L’art. 6 LTrans permet à toute personne de demander des documents officiels et d’obtenir des renseignements sur leur contenu. La demande doit contenir des indications suffisantes pour que l’autorité puisse identifier le document demandé (art. 7, al. 2, OTrans). Si ces indications ne suffisent pas, l’autorité peut inviter le demandeur à préciser sa demande ; elle est tenue d’assister le demandeur dans ses démarches (art. 7, al. 3, en relation avec l’art. 3, al. 1, OTrans).En cas de doute ou de manque d’informations , il vaut mieux s’adresser au demandeur afin de faciliter l’identification du document et simplifier le traitement de la demande. Il peut en effet s’avérer que le demandeur ne s’intéresse pas aux données personnelles ou qu’il souhaite uniquement obtenir des renseignements portant sur une certaine période.
2. Applicabilité de la LTrans au document demandé
Toute information enregistrée détenue par une autorité qui a établi le document elle-même ou qui l’a reçu de la part de tiers (entités ou personnes non soumises à la LTrans) représente un document officiel, pour autant qu’il concerne l’accomplissement d’une tâche publique (art. 5, al. 1, LTrans). Les documents qui peuvent être établis par un simple procédé électronique à partir d’informations enregistrées sont également considérés comme des documents officiels. Le droit d’accès s’étend donc aux interrogations simples des banques de données (art. 5, al. 2, LTrans).
Les catégories suivantes de documents ne sont pas des documents officiels au sens de la LTrans (art. 5, al. 3, et art. 1 OTrans) et ne sont dès lors pas accessibles selon les règles prévues par celle-ci :
- Documents (ou informations) qui sont commercialisés par l’autorité elle-même, par exemple cartes topographiques, données météorologiques et certaines géodonnées. Les informations ou données servant immédiatement à la confection de produits en font également partie. En revanche, les contrats qu’une autorité passe avec des tiers, par exemple pour la livraison de biens ou de services, ne sont pas des documents utilisés commercialement.
- Documents non définitifs. Sont réputés définitifs les documents qui ont été signés, ceux qui ont été transmis à un destinataire interne à l’administration ou ceux qui ont été transmis à titre définitif à une autre autorité, à une entité externe à l’administration ou à une personne pour qu’elle en prenne acte, pour qu’elle prenne position ou pour qu’elle prenne une décision sur cette base.
- Documents destinés à un usage personnel, à savoir d’une part les documents personnels qui se trouvent sur le lieu de travail mais qui n’ont aucun rapport avec les tâches professionnelles (par ex. courriers électroniques personnels, tableaux, livres) et d’autre part les notes, brouillons, copies de travail, etc. qui sont réservés à un usage personnel ou à un usage par un cercle très restreint de personnes (par ex. équipe de projet).
Toute demande portant sur un document qui n’est pas officiel peut être refusée. La remise du document relève alors de la libre appréciation de l’unité compétente (le cas échéant sous conditions).
Les documents établis avant l’entrée en vigueur de la LTrans ne sont pas accessibles en vertu de cette loi (art. 23 LTrans). Les informations sur l’environnement contenues dans des documents officiels et celles qui relèvent de dispositions sur l’énergie et qui se rapportent à l’environnement doivent en revanche être rendues accessibles quelle que soit la date à laquelle les documents concernés ont été établis (art. 4 de la convention d’Aarhus ). Les informations relatives aux installations nucléaires ne sont rendues accessibles que si elles ont été produites après l’entrée en vigueur de la LTrans (art. 10g, al. 2, LPE ).
La demande peut donc être refusée, sauf pour les informations sur l’environnement . Il est toutefois recommandé de vérifier si le contenu du document justifie vraiment sa rétention. Dans la négative, l’accès peut tout de même être accordé.
Les documents établis avant l’entrée en vigueur de la loi et modifiés après le 1er juillet 2006 sont accessibles dans leur version modifiée.
Dans l’affirmative, les conditions pour avoir accès au document sont remplies (art. 6, al. 3, LTrans).On indiquera tout au moins au demandeur les références nécessaires pour la consultation du document (adresse Internet, organe de publication) (art. 3, al. 2, OTrans).
Si le document fait partie du dossier d’une procédure de recours administratif, d’une procédure judiciaire ou d’une procédure de conciliation ou d’arbitrage, la LTrans le lui est pas applicable (art. 3, al. 1). La demande doit donc être examinée, en particulier pour les parties à la procédure, sur la base du droit de procédure pertinent.
En principe, les documents qui concernent une procédure administrative de première instance (avec décision) sont accessibles, la consultation du dossier par les parties restant toutefois régie par la loi fédérale sur la procédure administrative. On tiendra compte des exceptions et des cas particuliers visés aux art. 7 et 8 LTrans.
Dans l’affirmative, le droit d’accès est régi par la loi fédérale sur la protection des données (LPD) (art. 3, al. 2, LTrans). La procédure se déroule selon les règles qui y sont prévues ou selon les règles spécifiées dans les lois spéciales (par ex. le droit à la consultation indirect inscrit dans la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sécurité intérieure ).
Le droit fiscal (par ex. art. 74, al. 1, de la loi sur la TVA ) et le droit de la statistique (art. 14 de la loi sur la statistique fédérale ) notamment contiennent des dispositions spéciales sur le maintien du secret (art. 4, let. a, LTrans), tandis qu’on trouve des dispositions spéciales sur le droit d’accès en particulier dans le domaine des registres publics (registre de l’état civil par ex.) et dans celui régissant la procédure de consultation (accès aux avis exprimés, cf. art. 9 de la loi sur la consultation ).
Les procès-verbaux des commissions parlementaires et les documents officiels qui ont été établis à la demande de ces commissions sont également régis par une réglementation spéciale (art. 47 , al. 1, de la loi sur le Parlement ).
Unter eine spezialgesetzliche Zugangsregelung fallen insbesondere auch Protokolle von parlamentarischen Kommissionen (Art. 47 Abs. 1 Parlamentsgesetz ) sowie amtliche Dokumente, die im Auftrag von parlamentarischen Kommissionen erstellt wurden.
Dans tous ces cas, l’accès au document doit être apprécié sur la base des dispositions spéciales.Liste des dispositions spéciales réservées au sens de l’art. 4 LTrans.
3. Droit d’accès régi par la LTrans
La procédure de co-rapport commence le jour où le département compétent signe la proposition au Conseil fédéral (art. 5, al. 1bis, de l’ordonnance sur l’organisation du gouvernement et de l’administration ) et se termine par la décision formelle du Conseil fédéral.
La proposition définitive au Conseil fédéral signée par le chef de département constitue déjà un document de la procédure de co-rapport. Aussi n’est-elle pas accessible, conformément à l’exception au droit d’accès prévu à l’art. 8, al. 1, LTrans. Cette disposition s’applique également à tous les documents établis au cours de la procédure de co-rapport qui servent à préparer une décision du Conseil fédéral, tels que les co-rapports des autres départements et la correspondance qui s’ensuit, y compris les propositions formelles faites par les unités consultées (et les projets non signés ou non encore signés de telles propositions).
L’art. 8, al. 1, LTrans ne s’applique pas en revanche aux documents qui sont établis avant le début de la procédure de co-rapport et dont le contenu ne permet pas de tirer des conclusions sur le processus de formation de l’opinion et de la volonté du Conseil fédéral et sur son processus décisionnel. Les annexes aux propositions signées adressées au Conseil fédéral sont donc accessibles si elles ont été établies avant l’ouverture de la procédure de co-rapport.
Le projet définitif de proposition au Conseil fédéral que l’office responsable transmet au département ne fait pas non plus encore partie de la procédure de co-rapport. Il est donc en principe accessible. Il revêt en effet un caractère définitif pour l’office, même s’il n’est pas encore signé. L’accès ne peut toutefois être accordé qu’après la décision du Conseil fédéral.
Par négociations, on entend tout type de négociations menées par des autorités avec des tiers externes à l’administration, à savoir tant celles qui visent à conclure un contrat de droit privé que les négociations internationales. Pour que cette exception puisse s’appliquer, il faut que le document se réfère à des positions de négociation : il doit être important pour la poursuite des négociations et de nouvelles négociations doivent être prévues à court terme ou dans un délai prévisible.
Lorsque ces conditions sont remplies, le document n’est pas accessible (art. 8, al. 4, LTrans).
Un rapport d’évaluation est un document officiel qui évalue les prestations fournies par des unités administratives ou l’efficacité de mesures prises par l’administration. Les rapports d’évaluation sont toujours accessibles (art. 8, al. 5, LTrans).
Dans certains cas de figure, l’accès peut être différé, par exemple si le rapport sert de base de décision ou s’il sera de toute manière publié ultérieurement.
Les documents qui évaluent les prestations d’une personne ne sont pas considérés comme des rapports d’évaluation.
Pour que l’une des exceptions prévues à l’art. 7 LTrans puisse s’appliquer, il faut que la violation des intérêts publics ou privés en question soit hautement probable « selon le cours ordinaire des choses » si l’accès au document est accordé. Il ne suffit pas qu’elle soit concevable ou vaguement possible, mais elle ne doit pas non plus confiner à la certitude.
Il faut au surplus que l’éventuel préjudice qui découle de la divulgation des données soit considérable et que le risque qu’il se produise soit sérieux. Toute conséquence mineure ou simplement désagréable ne porte donc pas préjudice à un intérêt, d’autant moins lorsqu’elle touche principalement l’autorité qui prend la décision, par exemple lorsqu’elle se traduit par du travail supplémentaire ou une attention publique non désirée.
Il faut toujours tenir compte des objectifs de la loi avant de recourir (de manière restrictive) à ces exceptions. Dans les cas limites, c’est-à-dire lorsqu’il est possible que des intérêts à protéger soient violés mais que la probabilité est faible ou lorsque les conséquences négatives seront probablement minimes, les documents doivent être rendus accessibles.
Nota bene : le mécanisme de protection des intérêts à maintenir le secret inscrit à l’art. 7, al. 1, LTrans reposant uniquement sur l’existence ou non d’un risque de dommage, il n’y a pas lieu de procéder à une pesée d’intérêts. Il faut au contraire partir du principe que le législateur l’a déjà faite, puisqu’il énumère de manière exhaustive les cas où l’intérêt à maintenir le secret prime l’intérêt à la transparence.
Enfin, le principe de proportionnalité exige en cas de limitation d’un droit qu’on choisisse le moyen qui porte l’atteinte la moins grave à ce droit. Au lieu de refuser totalement la demande d’accès, il faut dès lors y accéder partiellement si seules certaines parties ou certains passages du document justifient l’exception. Différer l’accès au document au lieu de refuser tout accès est indiqué si on peut prévoir à quel moment les raisons qui s’opposent à l’accès seront caduques.
L’accès à des documents officiels peut être différé, limité à une partie du contenu ou refusé afin de protéger les intérêts publics suivants :
3.4.1 Protection de la libre formation de l’opinion et de la volonté d’une autorité soumise à la LTrans, d’un autre organe législatif ou administratif ou d’une instance judiciaire contre des atteintes notables (art. 7, al. 1, let. a, LTrans)
La libre formation de l’opinion et de la volonté d’une autorité peut être considérée comme « notablement atteinte » lorsque la publication du document empêche des parties notables de ce processus de se réaliser. Ce cas de figure ne devrait se produire que pour des décisions de principe très controversées : si la décision est peu controversée et qu’elle porte sur un point de détail, les conditions permettant d’appliquer l’exception prévue à l’art. 7, al. 1, let. a, LTrans seront difficilement remplies.
Les conditions à remplir sont plus strictes que pour les autres exceptions, l’atteinte devant être notable. Par exemple, si la publication du document risque uniquement de provoquer une violente controverse publique, elle ne constitue pas une atteinte notable.Lorsqu’un document sert de base de décision, il n’est de toute manière pas accessible avant la décision et l’accès doit être différé en conséquence (cf. ch. 5).
La libre formation de l’opinion et de la volonté d’organes législatifs ou administratifs ou d’instances judiciaires qui ne sont pas soumis à la LTrans est également protégée.
3.4.2 Protection de l’exécution de mesures concrètes prises par une autorité conformément à ses objectifs (art. 7, al. 1, let. b, LTrans)
Cette exception vise à garantir que les informations qui servent à préparer une mesure prise par une autorité (mesures de surveillance, inspections, enquêtes et surveillance administrative notamment) puissent être maintenues secrètes.
La bonne exécution d’une mesure (ou de plusieurs mesures) clairement définie prise par une autorité doit être menacée au moment où la demande d’accès est examinée. Selon la jurisprudence, le risque d’atteinte à la réalisation des objectifs que poursuit l’autorité en prenant la mesure doit être d’une certaine gravité et le secret de l’information doit être une condition du succès de la mesure.
La disposition ne crée pas une exception générale pour l’accomplissement des tâches qui incombent à une autorité ou ses activités de surveillance.
3.4.3 Protection de la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 7, al. 1, let. c, LTrans)
La sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse peut être compromise par des attaques ou des menaces telles que la criminalité de manière générale, l’extrémisme, le terrorisme, des activités militaires et l’espionnage .
Cette exception concerne en premier lieu les activités de la police, des douanes, du renseignement et de l’armée, ainsi que les domaines des technologies à risque. Elle vise à limiter ou refuser l’accès à des documents portant sur des mesures destinées à maintenir la capacité d’action de l’État face à des situations extraordinaires ou à garantir l’approvisionnement économique du pays, sur des informations relatives à des détails techniques, à l’entretien de biens d’équipement militaire, etc., ou sur des informations qui porteraient atteinte à la sécurité d’infrastructures importantes ou de personnes en danger si elles étaient rendues accessibles.
Exemples : évaluations de la sûreté avec des plans de mesures en vigueur au moment de la demande ou informations concernant les mesures de sécurité prises pour protéger des installations ou matériaux nucléaires.
Même si les objectifs de protection de la sûreté sont légitimes, il faut examiner si l’accès aux documents serait de nature à menacer sérieusement la sécurité publique. Le critère déterminant est de se demander dans quelle mesure il est défendable de donner accès à des informations qui deviendraient ensuite publiques et seraient susceptibles d’être utilisées de manière indésirable ou au détriment de la sûreté intérieure de la Suisse.
3.4.4 Protection des intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure (art. 7, al. 1, let. d, LTrans)
Cette exception concerne la sauvegarde des intérêts de la Suisse dans les affaires de politique extérieure. Dans les exemples suivants, maintenir la confidentialité de certaines informations peut être nécessaire :
- renseignements sur des situations dans des États étrangers, sur des événements qui s’y déroulent ou sur les intentions de ces États ;
- interventions relevant de la protection consulaire ou diplomatique, par ex. en cas d’enlèvement de citoyens suisses à l’étranger ;
- démarches en faveur des droits de l’homme ou du droit international humanitaire ou démarches en matière d’asile.
En outre, la Suisse peut être tenue de ne pas donner accès à certains documents étrangers en raison d’obligations découlant de traités internationaux (conventions de protection des informations, traités internationaux confidentiels) ou de la pratique reconnue entre États (par ex. en matière de coopération entre organisations internationales).
Les intérêts en matière de politique extérieure et les relations internationales de la Suisse comprises au sens large peuvent également être compromis si les relations qui lient la Suisse à des interlocuteurs étrangers privés ou semi-privés sont touchées.
3.4.5 Protection des relations entre la Confédération et les cantons ou des relations entre cantons (art. 7, al. 1, let. e, LTrans)
Lorsque des documents proviennent d’un canton qui ne connaît pas le principe de la transparence ou qui en définit différemment la portée par rapport au droit fédéral et que ces documents sont secrets en vertu du droit cantonal, leur communication peut dans certains cas de figure compromettre les relations entre la Confédération et ce canton (ou entre ce canton et d’autres cantons). S’il faut s’attendre à ce que ces relations soient compromises, l’accès aux documents doit être refusé.
Cette exception était destinée avant tout aux cantons qui n’avaient pas encore introduit le principe de la transparence. Entre-temps, l’immense majorité d’entre eux l’ont fait, si bien que cette exception n’a, selon la jurisprudence, plus guère de portée.
3.4.6 Protection des intérêts de la politique économique ou monétaire de la Suisse (art. 7, al. 1, let. f, LTrans)
Donner accès à un document officiel ne doit pas compromettre les intérêts de la politique économique ou monétaire de la Suisse. Le maintien du secret se justifie dès lors pour conserver la capacité de prendre des mesures et d’élaborer des stratégies sans subir de pressions extérieures. L’efficacité de mesures ou stratégies de politique économique ou monétaire est en effet sérieusement compromise voire nulle si les informations sur lesquelles elles reposent sont connues à l’avance, puisque la population ou les milieux économiques peuvent alors adapter leur comportement.
La disposition est cependant limitée aux cas où l’accès au document mettrait réellement en danger les intérêts de la politique économique ou monétaire (y porter simplement atteinte ne suffit pas), par exemple lorsque l’accès à certaines informations favoriserait des opérations spéculatives.
L’accès à des documents officiels peut être différé, limité à une partie du contenu ou refusé afin de protéger les intérêts privés suivants :
Nota bene : lorsque des intérêts privés sont touchés, et non des intérêts publics, l’accès peut quand même être accordé moyennant le consentement du tiers concerné.
3.4.7 Protection de secrets professionnels, de secrets d’affaires ou de secrets de fabrication (art. 7, al. 1, let. g, LTrans)
Cette exception s’applique en principe à tous les cas où l’accès à un document entraînerait une distorsion de la concurrence entre les acteurs du marché. Les tiers sur lesquels le document en question contient des informations sont également des acteurs du marché. L’administration peut exceptionnellement aussi en faire partie.
Est considéré comme un secret d’affaires ou de fabrication tout fait en relation avec le détenteur du secret qui répond à l’une des conditions suivantes :
- il n’est ni public ni accessible à tout un chacun (fait relativement peu connu),
- le détenteur du secret entend le garder secret (intérêt subjectif au maintien du secret),
- le détenteur du secret a un intérêt légitime à le maintenir secret (intérêt objectif au maintien du secret).
Les secrets de fabrication sont des informations relatives à des procédés de fabrication ou de construction, des informations techniques fournies dans le cadre de projets d’acquisition d’armement ou d’autres projets de marchés publics ou des dossiers portant sur des procédures en cours d’examen de brevets.
La notion de secrets d’affaires doit être comprise au sens large. L’art. 7, al. 1, let. g, LTrans permet ainsi de refuser l’accès ou de le limiter si les documents contiennent des projets de recherche planifiés ou en cours, certaines informations sur l’acquisition de biens culturels ou certaines stratégies commerciales. Les informations susceptibles d’influencer notablement le cours des actions des entreprises dans lesquelles la Confédération détient des participations peuvent également être considérées comme des secrets d’affaires au sens large (par ex. détails de l’organisation d’une entreprise et calculs de prix). En revanche, les informations sur les émissions dans l’environnement ne constituent pas en principe des secrets d’affaires au sens de cette disposition (art. 4, ch. 4, let. d, de la convention d’Aarhus).
Il ne suffit pas d’invoquer globalement le secret des affaires : le détenteur du secret ou l’autorité qui examine la demande d’accès doit montrer concrètement et dans le détail dans quelle mesure une information est protégée par ce secret. Pour qu’il y ait un intérêt objectif au maintien du secret en particulier, il faut que l’accès aux informations concernées par des tiers ou par la concurrence entraîne une distorsion de la concurrence et ait des conséquences sur le résultat de l’entreprise ou en d’autres termes sur sa compétitivité.
Avant de donner accès à des informations susceptibles de constituer des secrets d’affaires, l’autorité doit entendre les tiers concernés ou les détenteurs du secret à moins qu’elle puisse exceptionnellement renoncer à les entendre (cf. ch. 4.3).
Les avocats en particulier et les personnes exerçant une profession médicale sont soumis au secret professionnel.
3.4.8 Protection de la confidentialité convenue entre l’autorité et des particuliers lorsque les informations ont été fournies librement (art. 7, al. 1, let. h, LTrans)
Lorsqu’un tiers a communiqué une information librement, c’est-à-dire sans y être obligé par la loi ou un contrat, et que l’administration lui a garanti le maintien du secret, l’accès à cette information est refusé.
Selon la jurisprudence, les trois conditions suivantes doivent être remplies :
- l’information doit avoir été communiquée par un particulier ;
- l’information doit avoir été communiquée librement à l’autorité, c’est-à-dire sans obligation légale ou contractuelle ;
- l’autorité doit avoir donné la garantie de confidentialité à la demande expresse de l’informateur.
Cette exception au droit d’accès n’est pas applicable si les informations ont été communiquées par un canton ou un autre État étant donné que les intérêts en jeu ne sont alors pas d’ordre privé.
3.4.9 Protection de la sphère privée de tiers (art. 7, al. 2, LTrans)
L’accès à des documents officiels doit en principe être limité ou refusé lorsqu’il porterait atteinte à la sphère privée de tiers, notamment lorsque le document demandé contient des données relatives à des tiers. Les questions que soulèvent les documents qui contiennent de telles données sont traitées au ch. 4.
4. Données personnelles relatives à des tiers et données concernant des personnes morales
Aux termes de la LPD, on entend par données personnelles toutes les informations qui se rapportent à une personne physique identifiée ou identifiable.
Tout document qui contient des données personnelles doit être si possible rendu anonyme (art. 9, al. 1, LTrans). Rendre anonyme signifie préparer le document de manière à ce que les informations qu’il contient ne puissent plus être rattachées à des personnes identifiées ou identifiables.
Dans les cas suivants, on peut généralement renoncer à rendre le document anonyme :
- la personne concernée a déjà consenti à la communication des informations ou les circonstances laissent clairement présumer un tel consentement (par ex. lorsque la personne a accepté un mandat de l’administration ou lorsqu’elle est mentionnée à titre de membre d’une commission d’experts) ;
- les données personnelles en question ont déjà été rendues accessibles à tout un chacun par la personne concernée.
S’il est impossible de rendre le document anonyme, parce que la demande d’accès porte sur des données personnelles de tiers, une procédure en plusieurs étapes est indiquée selon la jurisprudence du Tribunal fédéral. Dans un premier temps, il faut examiner sur la base d’une pesée provisoire des intérêts si un accès au document peut entrer en considération ou s’il est exclu d’emblée en raison d’intérêts publics ou privés qui sont prépondérants. Dans le second cas, la procédure prend fin. En revanche, si on juge possible de donner accès au document, il faut ensuite entendre les tiers concernés, en d’autres termes leur donner l’occasion de faire valoir leurs intérêts. L’identité du demandeur n’a pas à leur être communiquée. La pesée définitive des intérêts se fait sur la base de leur prise de position.
La pesée des intérêts joue un rôle essentiel dans la procédure : elle consiste à faire un arbitrage entre les intérêts de la personne concernée à protéger sa sphère privée et l’intérêt public à donner accès au document.
Le poids à donner aux intérêts privés dépend en particulier des données en question, de la fonction ou du poste occupé par les personnes concernées et des éventuelles conséquences de la communication des données. L’intérêt à protéger la personne concernée aura tendance à primer s’il s’agit de données sensibles ou de profils de la personnalité. La communication de données personnelles est en tout état de cause subordonnée à l’absence d’inconvénients majeurs pour la personne concernée.
Il faut cependant aussi tenir compte de l’intérêt public. L’art. 6, al. 2, OTrans donne des exemples où des intérêts particuliers à accéder à l’information s’ajoutent à l’intérêt (général) à la transparence dans l’administration (art. 1 LTrans). On peut ainsi envisager de communiquer les données lorsque les documents en question sont liés à l’octroi d’avantages économiques substantiels à des particuliers (contrats, subventions), lorsqu’ils se rapportent à des titulaires d’autorisations ou de concessions ou lorsqu’il s’agit de contrats que l’État a conclus avec des particuliers (art. 6, al. 2, let. c, OTrans).
Globalement, et en particulier pour ce qui concerne l’anonymisation et le droit d’être entendu, l’accès à un document qui contient des données concernant des personnes morales repose sur les mêmes considérations que pour les documents qui contiennent des données concernant des personnes physiques (cf. ch. 4.1). À compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle LPD le 1er septembre 2023, la base légale applicable constituera la principale différence : les demandes d’accès aux documents officiels qui ne peuvent être rendus anonymes devront être appréciées sur la base de la LOGA pour les données concernant des personnes morales (art. 57r à 57t LOGA).
Lorsque l’autorité envisage de donner accès à un document qui contient des données personnelles ou des données concernant des personnes morales, elle doit en général consulter les tiers concernés. Par ailleurs, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, avant de divulguer des informations susceptibles de constituer des secrets d’affaires, il faut consulter les tiers concernés ou les détenteurs desdits secrets.
L’autorité peut exceptionnellement renoncer à entendre les personnes en question si les conditions suivantes sont réunies :
- la pesée provisoire des intérêts plaide si clairement en faveur de l’accès au document qu’on ne peut sérieusement envisager qu’il existe des intérêts privés non encore identifiés qui pourraient conduire à un autre résultat ;
- la mise en œuvre du droit à être entendu paraît disproportionnée, notamment par la charge de travail qu’elle implique.
Elle doit informer de manière appropriée les personnes consultées qu’elle partira du principe qu’elles consentent à donner l’accès aux documents si elles ne répondent pas dans le délai imparti.
Si la personne consultée demande que l’accès soit refusé, limité ou différé, elle doit en principe le justifier dans son avis pour chaque document ou chaque passage concerné en donnant les raisons pour lesquelles elle le juge nécessaire pour protéger des données personnelles ou des données concernant des personnes morales (art. 7, al. 2, en relation avec l’art. 9 LTrans) ou pour protéger des secrets d’affaires (art. 7, al. 1, let. g, LTrans). Les avis des tiers consultés ne libèrent pas l’autorité de son obligation d’apprécier elle-même les éléments présentés en se fondant sur la loi et la jurisprudence.
Si un document contient des données relatives à plusieurs tiers (données personnelles, données concernant des personnes morales ou secrets d’affaires), l’autorité doit veiller à ce que ces différentes personnes n’aient pas accès aux données des autres au cours de la consultation.
Afin d’informer la personne consultée de l’étendue de l’accès que l’autorité entend accorder et des contenus qu’elle entend éventuellement caviarder, il est recommandé de lui envoyer des documents où les informations ou passages concernés sont signalés et de le motiver sommairement.
Nota bene : l’autorité doit accorder un délai de 10 jours aux personnes entendues pour se prononcer (art. 11, al. 1, LTrans).
Si, après avoir procédé à la pesée des intérêts, l’autorité entend donner accès à des données personnelles, à des données concernant des personnes morales ou à des informations qu’elle ne qualifie pas de secrets d’affaires ou de fabrication, contrairement à l’avis du détenteur du secret, elle en informe les tiers consultés (personnes physiques et morales), conformément à l’art. 11, al. 2, LTrans. Tant les personnes consultées que le demandeur (cf. ch. 6) ont la possibilité de déposer une demande en médiation (art. 13, al. 1, let. c, LTrans). L’autorité doit les informer de cette possibilité dans sa prise de position. Formulation possible :
« La présente prise de position peut faire l’objet d’une demande en médiation conformément à l’art. 13 LTrans. La demande doit être adressée par écrit dans un délai de 20 jours à compter de la date de réception de la présente prise de position au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, Feldeggweg 1, 3003 Berne ou info@edoeb.admin.ch.»
Outre la personne entendue (art. 11, al. 2, LTrans), l’autorité doit aussi informer le demandeur de sa prise de position sur le droit d’accès (art. 12, al. 4, LTrans) afin qu’il puisse le cas échéant déposer une demande en médiation.
5. Quand donner accès au document ?
La LTrans prévoit que les documents sur lesquels repose une décision politique ou administrative ne soient rendus accessibles qu’après la décision (art. 8, al. 2, LTrans). La notion de décision politique ou administrative doit être comprise au sens large : il peut s’agir d’une décision prise par un office ou une subdivision de celui-ci ou par un département.
Le contenu de la décision ne joue aucun rôle : celle-ci peut porter sur des aspects juridiques ou politiques, sur une manière de procéder, sur des questions d’ordre organisationnel ou de gestion du personnel ou sur le recours à des tiers pour accomplir des tâches.
Un document constitue une base de décision si les conditions suivantes sont réunies :
- il est en rapport direct et immédiat avec une décision concrète ;
- il est d’une importance matérielle considérable pour la décision.
Le Conseil fédéral peut déclarer que les documents officiels de la procédure de consultation des offices (c’est-à-dire les avis exprimés par les offices) restent non accessibles après la décision (art. 8, al. 3, LTrans).
À ce stade, l’examen doit uniquement porter sur la date à laquelle donner accès au document, et non sur le contenu du document (aspect traité aux ch. 3. et 4). En principe, l’accès doit uniquement être différé ; il ne doit être refusé qu’à titre exceptionnel, par exemple lorsqu’on n’a encore aucune idée de la date à laquelle la décision sera prise.
6. Prise de position définitive de l’autorité
En principe, l’autorité compétente prend position dans un délai de 20 jours à compter de la réception de la demande. Si elle donne accès à tout ou partie du document, elle en informe le demandeur et le lui transmet dans le délai imparti par la loi.
Si la demande est refusée, en tout ou en partie, l’autorité doit envoyer une prise de position écrite au demandeur (art. 12, al. 4, LTrans). Elle doit y indiquer sommairement mais clairement la raison pour laquelle l’une des exceptions prévues par la loi au droit d’accès s’applique au cas d’espèce. Il est recommandé de préciser dans la prise de position quels documents ont été identifiés.
Enfin, l’autorité doit informer le demandeur dans sa prise de position de la possibilité de déposer une demande en médiation, y compris lorsque le document n’est pas disponible. Formulation possible :
« La présente prise de position peut faire l’objet d’une demande en médiation conformément à l’art. 13 LTrans. La demande doit être adressée par écrit dans un délai de 20 jours à compter de la date de réception de la présente prise de position au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, Feldeggweg 1, 3003 Berne ou info@edoeb.admin.ch.»
Une prise de position ne constitue pas une décision : celle-ci n’est prise le cas échéant qu’au cours de la procédure qui suit la procédure de médiation.
Le demandeur doit être informé si, en raison de la consultation des tiers concernés, l’autorité ne peut pas respecter le délai de 20 jours pour prendre position (art. 12, al. 2, LTrans).
Nota bene : délais
- Le délai pour la prise de position définitive est de 20 jours à compter de la date de la réception de la demande (art. 12, al. 1, LTrans).
- Le délai peut être exceptionnellement prolongé de 20 jours lorsque la demande d’accès porte sur un grand nombre de documents, sur des documents complexes ou sur des documents qu’il est difficile de se procurer (art. 12, al. 2, 1re phrase, LTrans).
- Il est prolongé de la durée nécessaire lorsque la demande porte sur des documents contenant des données personnelles et que l’accès à ces données peut porter atteinte à la sphère privée de tiers (art. 12, al. 2, 2e phrase, LTrans).
- Lorsque la demande porte sur des documents officiels contenant des données personnelles et que l’accès à des données peut porter atteinte à la sphère privée de tiers, l’autorité diffère l’accès jusqu’à ce que la situation juridique soit clarifiée (art. 12, al. 3, LTrans).