Les biobanques rassemblent une multitude de données sur une personne. Outre les données concernant la santé et le style de vie, elles contiennent aussi du matériel biologique (sang, ADN, tissus, lignages cellulaires) qui est ensuite traité pour la recherche. Comment agir en présence de matériel biologique et quelles exigences poser au consentement de la personne concernée sans entraver complètement la recherche? Comment empêcher une utilisation abusive des données (génétiques) obtenues? Nous avons pris part à diverses rencontres au cours desquelles ces questions ont été soulevées. L’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a élaboré des directives qu’elle a envoyées en consultation. Ces directives accordent une grande importance à la protection des données et de la personnalité dans le cas des biobanques.
Les biobanques existent dans le monde entier et sont de plus en plus nombreuses. Elles permettent aux chercheurs de faire des rapprochements entre la constitution génétique et les maladies. Les hôpitaux rassemblent aussi du matériel biologique et des données de patients qui sont utilisés par la suite pour la recherche. Nous avons participé à diverses rencontres consacrées aux biobanques, dont une organisée par la Fondation pour la protection des données et la sécurité de l’information, GenSuisse et OncoSuisse. Ces rencontres ont été pour nous l’occasion de nous exprimer sur la question du consentement des patients et sur le traitement subséquent du matériel biologique et des données personnelles.
Les données relevées à des fins de recherche ne doivent être traitées qu’avec le consentement de la personne concernée. En principe, cette règle vaut également une fois le projet concret de recherche achevé. Mais c’est justement là qu’est le problème: souvent, au début d’un projet de recherche, on ne sait pas très bien où la recherche va mener et quelles connaissances supplémentaires pourront être obtenues. Dans certains cas, il est également difficile, voire même impossible d’obtenir le consentement des patients concernés pour d’autres projets de recherche, par exemple parce que le recueil des données a eu lieu il y a déjà des années ou parce qu’on ne veut plus confronter le patient avec une maladie. Certains sont aussi d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’avoir le consentement exprès du donneur, mais qu’il convient de préférer la solution dite de l’opposition: celui qui ne veut pas que son matériel biologique soit utilisé par un laboratoire doit expressément s’y opposer.
A cet égard, nous avons adopté une attitude plutôt restrictive et demandé que le matériel biologique et les données personnelles qui en font partie ne soient en principe traités qu’avec le consentement exprès de la personne concernée. Ce consentement ne doit pas se limiter à un projet de recherche spécifique, mais peut se référer à un domaine de recherche prédéfini. Par contre, un consentement général pour toute recherche future qui serait donné au moment du prélèvement des données serait à nos yeux disproportionné. Il convient en outre de requérir que toutes les données soient anonymisées ou pseudonymisées le plus tôt possible. La pseudonymisation devrait avoir lieu de préférence par double codage et la clé de codage devrait être déposée auprès d’une institution indépendante.
Les directives de l’ASSM, au sujet desquelles nous nous sommes exprimés à l’occasion de la consultation, vont dans la même direction. D’une manière générale, nous avons entièrement approuvé la création de ces directives médicoéthiques qui devraient guider les personnes qui gèrent les biobanques et leurs utilisateurs jusqu’à ce qu’une base légale soit élaborée au niveau fédéral. Cela dit, nous avons suggéré que la définition de la notion de biobanques précise clairement que ces dernières rassemblent des données personnelles sensibles au sens de l’art. 3, let. c, ch. 3 LPD. Nous avons également spécifié que les biobanques sont soumises aux règles de droit cantonales, fédérales et constitutionnelles en vigueur. En outre, le but d’une biobanque doit être défini avec la plus grande précision possible. Nous avons constaté avec satisfaction que le consentement exprès a été établi comme principe. Toutefois nous n’avons partagé la conception selon laquelle l’accord du patient sous forme de consentement général est exceptionnellement permis. Comme nous l’avons déjà exposé, nous pourrions considérer comme suffisant un consentement plus large au traitement de données dans le cadre d’un projet de recherche prédéfini (comme les maladies tumorales, la pharmacogénétique).
Nous participerons en outre à la procédure de consultation concernant la loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (LHR) qui réglera la question des biobanques au niveau suisse.
[Juillet 2006]
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